« C’est au moment où les mots ne suffisent plus à exprimer l’Humain, dans toute sa beauté, sa profondeur et sa complexité,
que l’art prend soudain tout son sens... »
Enseigner l’art dramatique est un grand privilège.
À l’ère du virtuel, nous avons la chance d’aller à la rencontre de l’Autre. Démystifier nos émotions, développer notre empathie, sortir de notre zone de confort pour vaincre nos peurs et enfin, apprendre à comprendre l’Humain. J’en suis certain, ce partage unique nous permet d’évoluer — élèves, enseignant(e)s, parents, publics — et de créer, tous ensemble, une société meilleure.
À l’aube d’une nouvelle année scolaire, les élèves retrouvent le chemin de leurs salles de classe. Certains avec grand plaisir; d’autres, un peu plus rébarbatifs à l’idée de retrouver les bancs d’école… Pourtant, l’idée de s’épanouir et de s’élever grâce à l’acquisition de nouveaux savoirs devrait avoir de quoi séduire! Malheureusement, la réputation de notre système d’éducation, dont l’image fut maintes fois ternie dans l’opinion publique, tarde à se renouveler et s’anoblir. Nous avons pourtant entre les mains une mine d’or : la créativité d’une jeunesse ayant des possibilités infinies. Nous devrons nous montrer à la hauteur pour que jamais ne tarisse cette source de beauté, de poésie et d’imaginaire qui coule au plus profond d’eux-mêmes.
« L'art, c'est le plus court chemin de l'homme à l'homme. »
– André Malraux
Maîtriser une langue, en connaître ses richesses, c’est se libérer de soi-même. Le grand pouvoir de libérer ses idées avec nuance et originalité. La possibilité extraordinaire d’offrir un vocabulaire à cette petite voix qui résonne dans nos têtes et lui donner la chance de nous révéler ses secrets : ce qui fait de nous ce que nous sommes réellement… S’exposer nos idées, d’abord à nous-mêmes, puis aux autres, nous offre la chance de mieux se comprendre et évoluer en tant que société. Là devrait être la quête ultime de notre système d’éducation…
S’exprimer devient ainsi une arme bien plus puissante que les bombes quand on sait manier les mots et désamorcer les problèmes avec doigté.
Mais les dictionnaires, malgré leurs milliers de mots, ont échoué à exprimer « parfaitement » — et avec assez de nuances — cette lumière vibrante enfouie au plus profond de chacun de nous; une intériorité si complexe à dépeindre dans toutes ses déclinaisons... Et lorsque les mots manquent, l’art prend alors tout son sens… Un langage sensible, qu’il faut apprivoiser, afin de partager ce qui nous brûle les entrailles et enfin percevoir l’imperceptible…
Voilà la place que peut occuper l’art dans nos vies…
En plus de dévoiler cette force créative qui existe en chacun de nous, la pratique de l’art dramatique permet également d’observer un parfait équilibre entre la force du groupe et l’importance de chacun des individus qui nourrissent le processus créatif. En fait, l’un ne va pas sans l’autre! Un équilibre souhaitable autant sur scène que dans la rue! Shakespeare avait compris depuis longtemps que le monde est un théâtre et que nous n’en sommes que les acteurs!
L’enseignement des arts en général — et de l’art dramatique en particulier — pourrait être un moteur de changement exceptionnel offrant une expérience concrète du vivre ensemble et un facteur de réussite unique pour notre système d’éducation parfois sclérosé et peinant à se réinventer.
Toutefois, malgré leur pertinence, les cours d’arts ne jouissent pas toujours de la reconnaissance et de la notoriété dont ils devraient bénéficier au sein de nos écoles. Pourtant, la multiplication des formes d’intelligence n’est-elle pas essentielle à l’épanouissement de nos élèves? L’intelligence émotionnelle n’est-elle pas primordiale à l’évolution de nos sociétés et un atout majeur pour faire face aux défis de notre monde moderne? L’art n’est pas et ne sera jamais qu’une option, il mérite d’occuper une place centrale dans nos écoles à l’instar des autres matières à sanction menant à la diplomation!
Personnellement, l’enseignement de l’art dramatique m’a permis les plus belles rencontres humaines. De la maternelle à l’université, j’ai pu observer le talent à l’état brut chez chacun des êtres uniques à qui j’ai eu la chance d’enseigner. Parfois le temps a manqué. Parfois l’anxiété ou le manque de maturité a fait dévier l’expérience. Certains avaient une meilleure maîtrise que d’autres. Mais tout cela importe peu; l’important, c’est de cultiver l’art et grandir avec lui. L’art est définitivement un remède au cynisme et à la morosité; oui, l’art nous permet de mieux respirer et de donner vie aux rêves.
Et maintenant, si nous regardions l’éducation et ses artisans autrement! Peut-être pourrions-nous croire qu’il est possible de réellement changer les choses et notre monde. Qu’ils en soient conscients ou non, les enseignant(e)s sont tous et toutes des artistes et leur plus belle œuvre sont les élèves qu’ils nourrissent et le monde qu’ils façonnent. Chacun de leurs cours est un spectacle unique qui devrait toucher l’élève et l’amener ailleurs.
Laissons-nous la chance d’imaginer les choses autrement!
L’année débute!
Lumière!
L’auteur de ces lignes est titulaire d’un baccalauréat en enseignement des arts dramatiques (UQÀM, 2004). Il est professeur d’art dramatique et de cinéma à l’école secondaire Paul-Gérin-Lajoie-d’Outremont depuis 2007. Gilbert Trudel est également metteur en scène et directeur artistique chez Artrilium Productions.